AMG – pour Aufrecht Melcher Grossaspach – voit le jour en 1967. Hans-Werner Aufrecht est ingénieur chez Mercedes-Benz, Erhard Melcher est son partenaire financier et Grossaspach est la ville natale d’Aufrecht. Voilà pour l’essentiel de la création d’AMG. Ensuite, la berline AMG Rote Sau marque l’histoire.

En effet, on retient la victoire aux 6 Heures de Macao remportée par une 6.3 préparée par AMG. Puis, plus tard, sur le circuit de Spa Francorchamps, la 6.3 devenue 6.8 par un réalésage et un arbre à came spécial termine seconde du général.

La Red Pig ou comment une berline 6.3 devient bête de course

La 300 SEL 6.3 devenue 6.8 reçoit le petit nom de Rote Sau.

AMG Rote Sau en compagnie de la famille AMG : C36, SL 55 SL, SL 73,  300 E 6.0 et E50.

Pour rappel, la Mercedes-Benz 300 SEL 6.3 est l’une des vedettes du Salon de Genève 1968. C’est sur la base de cette voiture qu’AMG prépare une version course spécialement pour les 6 Heures de Macao. Hormis les attributs sportifs pour l’occasion, le moteur est le même que celui de la version civile : 6332 cc, 250 chevaux à 4000 tr/mn et un couple de 500 Nm. Sa vitesse de pointe culmine à 221 km/h. La berline remporte ce premier défi. Forte de cette performance, la 6.3 est à nouveau sur la sellette avec les 24 Heures de Spa. Pour cet événement, le moteur est réalésé à 6835 cc. Il reçoit un arbre à came spécial et diverses pièces conçues en interne. La puissance fait un bon de 250 à 428 chevaux et le couple passe à 600 Nm.

À cette occasion, la berline survitaminée reçoit son surnom de Rote Sau ou Cochon rouge ou encore Red Pig. Malheureusement, sur les 5 voitures produites – 3 pour la course et 2 pour les essais – aucune n’aurait survécu. En 2006, Mercedes-Benz décide de fabriquer une réplique aussi fidèle que possible.

Quand l’AMG 300 SEL 6.8 gagne son surnom de Rote Sau

Reconstruction de l'AMG Rote Sau en 2206 par Mercedes-AMG presque conforme à l'originale.

AMG Rote Sau 1971 AMG 300 SEL 6.8, reconstruction 2006 sur base d’un modèle de 1969.

Tout commence par un drame

Nous sommes en 1955, aux 24 Heures du Mans. Pierre Levegh pilote une Mercedes-Benz 300 SL. Malheureusement, il sort de la piste. La voiture s’envole et se désintègre au-dessus de la foule des spectateurs. Au passage, près de 82 personnes sont tuées. Ce bilan très lourd pousse le constructeur allemand à quitter la compétition. De fait, toutes les voitures sont retirées de tous les engagements. La compétition est bel et bien terminée pour la marque à l’étoile.

Il faudra attendre treize ans avant qu’un ingénieur, Erich Waxenberger, parvienne à engager une voiture à Macao. En effet, cette course de 6 heures, peu médiatisée, permet à Waxenberger d’y inscrire une 300 SEL 6.3. Malgré un refus de la direction, Waxenberger pilote lui-même la voiture et remporte la course. En dépit de ce succès, la direction de Mercedes campe sur ses positions. Pas de Mercedes officielle sur les circuits. C’est à ce moment qu’une jeune société créée par d’anciens ingénieurs de Mercedes entre en scène. Ce sont eux, AMG, qui vont s’occuper du développement de cette berline de luxe pour la course.

La Rote Sau naît dans les ateliers d’AMG

Les deux patrons d’AMG s’intéressent de près à la 300 SEL 6.3 lors de sa présentation à Genève en 1968. La bête est bien née et la puissance de son moteur peut sans doute être améliorée. AMG n’a pas encore les moyens d’acquérir un véhicule neuf. Aufrecht trouve alors une épave en 1969. Celle-ci lui servira de base pour construire une variante course. Deux ans seront nécessaires pour aboutir à une version satisfaisante. Aufrecht s’occupe de la carrosserie et Melcher travaille sur le moteur. Quant à Waxenberger, qui a déjà travaillé sur le 6.3, il fait marcher ses contacts et arrive à obtenir une version du moteur réalésé à 6.8 litres. Melcher y adapte des pistons plus légers et des soupapes d’admission plus grandes. Par l’intermédiaire de Waxenberger, il monte une boîte mécanique à 5 rapports. Notre Rote Sau est maintenant prête à affronter les circuits.

De l’atelier à la piste, la Rote Sau et son heure de gloire

AMG Rote Sau 1971 AMG Rennesport 300 SEL 6.8 W109.

AMG Rote Sau 1971 AMG Rennesport 300 SEL 6.8 W109.

Premiers essais, douche froide et renaissance de la Rote Sau

L’objectif est de faire courir la Rote Sau aux 24 Heures de Spa-Francorchamps en Belgique. Avant cela, le véhicule doit être testé et le volant est confié à Helmut Kelleners. L’AMG 300 SEL 6.8 arrive ainsi sur le circuit d’Hockenheim pour son premier essai. La bête de 1635 kg, propulsée par le 6.8 développant 428 chevaux, déboule à plus de 260 km/h sur la chicane Ostkurve. Résultat : sortie de route. Kelleners est succinct dans son commentaire : “c’est fini, la voiture est fracassée”. Il rend les clefs à Aufrecht et s’en va comme si de rien n’était. Mais Aufrecht n’est pas homme à s’en laisser compter. Il met à profit le temps le séparant de la date de la course pour reconstruire la voiture de A à Z. Le 24 juin 1971, la Rote Sau se trouve à Spa-Francorchamps pour la course.

Rote Sau ou un éléphant dans un magasin de porcelaine

Les spectateurs incrédules voient débouler une imposante et luxueuse berline à 4 portes pesant deux fois plus que ses concurrentes. Nous parlons des Capri RS 2600, BMW 2800 CS ou encore des Alfa Romeo 2000 GTam. À ce que l’on raconte, le public se serait très vite attaché à cette voiture si particulière. Pourquoi Rote Sau ? Tout simplement parce que son énorme V8 de 6.8 émet des grognements profonds et des déflagrations lors des décélération et des accélérations. Et cela, à chaque sortie de virage.

Le moteur de l’AMG Rote Sau débordant de puissance permet à ses pilotes – Hans Heyer et Clemens Schickentanz – de recoller la concurrence dans les lignes droites. Mais, ils doivent lourdement ralentir dans les virages. La Rote Sau finit par gagner sa catégorie et termine seconde au classement général. Le nom d’AMG devient tout à coup connu de la planète et même les journaux télévisés allemands, dont le très connu Tagesschau, en parlent. L’équipe d’Aufrecht et Melcher connait ainsi son heure de gloire.

AMG Rote Sau | Une fin tragique et une reconstruction en 2006

AMG Rote Sau 1971 AMG 300 SEL 6.8 reconstruite en 2006 presque conforme a l'originale.

AMG Rote Sau 1971 AMG 300 SEL 6.8 reconstruite en 2006 presque conforme à l’originale.

Le nouveau règlement de la FIA sonne le glas pour l’AMG Rote Sau

La victoire bien méritée à peine savourée, la Red Pig se prend une douche glaciale. La FIA modifie son règlement. En 1972, les véhicules dont le moteur dépasse 5 litres de cylindrée ne pourront pas participer au championnat européen des voitures de tourisme. Notre Mercedes-Benz 300 SEL 6.8 Rote Sau passe de héros à zéro. Elle ne participera plus à aucune course sur les circuits européens. Les rêves de l’équipe d’AMG s’effondrent avec cette annonce.

Le Cochon rouge devient testeur de pneus

L’avionneur français, Aérospatiale Matra, acquiert la Rote Sau pour effectuer certains tests. Il lui fallait, en effet, un véhicule capable de passer de 0 à plus de 200 km/h sur 900 mètres. Pourquoi, nous direz-vous ? Tout simplement pour pouvoir analyser le comportement de flexion des pneus d’avion au décollage. Qu’est devenue l’AMG Rote Sau ? Nul ne le sait. Elle a disparu, sans doute détruite après utilisation par l’avionneur.

Mercedes-Benz décide de ressusciter la Rote Sau en 2006

La voiture hors du commun mise au point par AMG connaît une bien triste fin. Ce n’est qu’en 2006 que Mercedes-Benz se décide à remettre la Rote Sau en pleine lumière. Mercedes-AMG construit alors une réplique qui se veut aussi proche que possible de l’original de 1971. En février 2020, chez RM Sotheby’s, place Vauban, une Rote Sau Replica a été adjugée pour la modique somme de 432 500 euros.

Vintage Car Magazine vous donne son avis

AMG Rote Sau 1971 AMG 300 SEL 6.8 l'originale possedait une boîte manuelle a 5 rapports.

AMG Rote Sau 1971 AMG 300 SEL 6.8 l’originale possédait une boîte manuelle à 5 rapports.

Une belle histoire avec une fin tragique pour une voiture qui n’aurait, peut-être, jamais dû exister. Sans le courage et la volonté d’Aufrecht et de Melcher, jamais une 300 SEL 6.3 ne se serait lancée dans une telle aventure. Cependant, ces exploits ont permis à AMG d’asseoir leur savoir-faire. Et la clientèle a reconnu rapidement la qualité du travail de ce préparateur, tant sur les bases de la 300 SEL, de la SIX-NEUF et de la 560 SEL. Mercedes a sans doute rapidement compris qu’il fallait intégrer, à la maison-mère, cette officine de génie. Aujourd’hui, les AMG trustent toujours les premières places en compétition en DTM. D’ailleurs, dans un prochain article, nous irons à la rencontre d’une 190 E 2.5-16 EVO II dont la version DTM a remporté sa première course le 5 août 1990.

Tous nos remerciements à Mme Catrin Dunz – Mercedes-AMG AG et M. Frank Mühling  – Mercedes-Benz Classic pour les documents et photos qui nous ont permis de réaliser cet article. Les illustrations de cet article sont Copyright © de leurs ayants droit. Tous droits réservés ©2020 Vintage Car Magazine/Photos JPP – ©Daimler AG – ©Mercedes-Benz AG – ©Mercedes-Benz Classic – ©Mercedes-AMG AG.