Il n’y a qu’à prononcer son nom, Bugatti, et plein de souvenirs nous reviennent en mémoire. Nous visualisons tout de suite des bolides. Ce sont ceux qui ont gagné presque tout. Mais l’histoire de la famille Bugatti ne se résume pas à l’automobile. Au commencement, le père d’Ettore et de Rembrandt, fabrique des meubles. Rembrandt, quant à lui, est sculpteur animalier. En ce qui concerne Ettore, c’est la fabrication d’automobiles. Son fils Jean l’aide d’ailleurs dans cette tâche. L’histoire de Bugatti est riche, et l’entendre racontée par des passionnés lui ajoute une saveur particulière. Voici quelques extraits choisis de nos conteurs Fabrice Reithofer, Daniel Lapp ainsi que les frères Munsch, Arsène et Jean-Louis.

Bugatti | Fabrice Reithofer nous présente l’exposition

L’incontournable et prestigieuse marque alsacienne, Bugatti, célèbre ses 110 ans au Salon Auto-Moto Classic de Strasbourg. Tenez-vous bien. Les organisateurs ont, en effet, réussi à réunir toute la gamme des autos, de la plus ancienne à la plus récente. Ainsi, nous trouvons le Type 5 De Dietrich puis les Types 13, 35, 49 et aussi des prototypes Types 64 et 251. Les plus récents modèles sont représentés par une Veyron, une Chiron et la toute dernière, une Divo. 

Au milieu de cette orgie de voitures, une Bugatti Type 35. Et pas n’importe laquelle. Figurez-vous qu’elle est restée dans le même état depuis les années 40. Elle a aussi appartenu à Jo Siffert, un pilote suisse. Sa particularité ? Elle est juste l’une des 8 Bugatti au monde à n’avoir pas été modifiée. On peut dire qu’elle a beaucoup voyagé avant de se retrouver (enfin !) à son point d’origine, l’Alsace. Son dernier propriétaire en a fait l’acquisition lors d’une vente chez Artcurial en 2017.

Bugatti 35B ex-Jo Siffert, une des 8 Bugatti au monde à n'avoir jamais été modifiée.

Bugatti 35B ex-Jo Siffert, une des 8 Bugatti au monde à n’avoir jamais été modifiée.

Les artistes de la famille | Daniel Lapp nous en dit plus

Le nom de Bugatti semble trop souvent se résumer aux autos d’Ettore. À ce sujet, nous avons rencontré Daniel Lapp, membre des Enthousiastes Bugatti Alsace. Cette association, créée en 1979, regroupe une grande partie des anciens employés des usines Bugatti. Daniel Lapp profite de l’occasion pour nous faire découvrir les œuvres du père et du frère d’Ettore.

1933 Bugatti Type 59 avec Ettore Bugatti à son volant

1933 Bugatti Type 59 avec Ettore Bugatti à son volant.

Carlo Bugatti, un artiste reconnu

1902 Fauteuil Curule de Carlo Bugatti en bois, parchemin, cuir et étain.

1902 Fauteuil Curule de Carlo Bugatti en bois, parchemin, cuir et étain.

Le père d’Ettore est un véritable artiste. Né à Milan en 1856, Carlo appartient déjà à une famille d’artistes. Son père est un sculpteur renommé sur bois et pierre. Initié à l’artisanat par son père, Carlo fréquente dès 1875 l’Académie de Brera. Il s’y découvre un intérêt particulier pour l’architecture. Voulant compléter sa formation afin de pouvoir mener ses projets de bout en bout, il apprend l’ébénisterie. En participant à des expositions internationale, il gagne en notoriété. Plusieurs prix confirment d’ailleurs son talent. Créateur de mobilier, mais pas que. Il est dessinateur, mais aussi architecte, voire décorateur, orfèvre ou encore sculpteur. Carlo Bugatti est un artiste qui a marqué de son empreinte l’univers de l’Art Nouveau.

Rembrandt Bugatti, sculpteur animalier

Exemples de bronze de Rembrandt Bugatti

Exemples de bronze de Rembrandt Bugatti.

Le frère d’Ettore, Rembrandt, est sculpteur. Avec une prédilection pour la sculpture animalière. Après son installation à Paris, il est sous contrat avec le fondeur Adrien-Aurélien Hébrard. Ses oeuvres sont exposés dans toutes les grandes villes européennes. Même à New York. Déçu par le manque de modèles du zoo du Jardin des Plantes à Paris, il part pour Anvers. Là, il s’installe dans un atelier mis à sa disposition par le directeur du zoo. Il passe énormément de temps à observer les animaux afin de les reproduire au plus juste dans ses sculptures. Il remporte un vif succès mais reste un garçon solitaire. De santé fragile, miné par la tuberculose, il s’engage cependant comme brancardier volontaire en 1914. Sa conduite héroïque lui vaut d’être nommé citoyen d’honneur de la ville d’Anvers. De retour à Paris en 1915, il se suicide le 8 janvier 1916, à l’âge de 31 ans.

Jean Bugatti | Un destin tragique

1909-1939 Portrait de Jean Bugatti.

1909-1939 Portrait de Jean Bugatti.

Une collaboration étroite père et fils

1936 Bugatti Type 57SC Atlantic Coupé oeuvre de Jean Bugatti

1936 Type 57SC Atlantic Coupé oeuvre de Jean Bugatti.

Ettore et son fils, Jean, travaillent ensemble sur leurs modèles. Jean est ingénieur mais c’est également un artiste. On lui doit notamment de nombreuses carrosseries des automobiles Bugatti. Ettore n’oublie pas Rembrandt disparu en 1916. Une de ses oeuvres, en effet, l’éléphant dansant orne le bouchon du radiateur de la plus luxueuse des voitures, la Bugatti Royale. Jean a également hérité du génie mécanique de son père. Nous lui devons les Type 50, 51 et 57 à moteur 8 cylindres. Elles sont destinées à remplacer les Type 35, œuvres d’Ettore, aux 10 000 victoires. Jean a de plus en plus de responsabilités au sein de l’entreprise. À 27 ans seulement il en prend les rênes. Mais, coup du sort, Jean se tue au volant de l’évolution du 57C en 1939.

La mort de Jean signe la fin du constructeur alsacien

Après la mort accidentelle de Jean, son frère cadet Roland, alors âgé de 17 ans, hérite de l’entreprise. Ettore, qui s’était retiré des affaires, revient pour l’épauler et le former. Mais au décès de son père, Roland tente en vain de poursuivre l’aventure Bugatti. La mauvaise situation économique et l’accumulation des dettes ont obligé Roland à se séparer de l’entreprise. C’est ainsi qu’en 1963, la société Hispano-Suiza devient propriétaire de la marque et de l’usine de Molsheim. L’usine fabrique dès lors des pièces pour l’aéronautique et le spatial.

1933 Bugatti Type 59 fabriquée à 8 exemplaires

1933 Bugatti Type 59 fabriquée à 8 exemplaires.

La rencontre d’Ettore Bugatti et de René Lalique

1939 Bugatti Type 5950B Compétition 8 cylindres 4740cc double arbre à cames en tête 2 soupapes par cylindre

1939 Type 59/50B Compétition 8 cylindres 4740cc double arbre à cames en tête 2 soupapes par cylindre.

Dans les années 30, Ettore Bugatti avait l’habitude de recevoir chez lui de potentiels acheteurs. Il aimait également se retrouver avec des amis, dont René Lalique. Chacun à la tête d’une entreprise, les deux hommes n’ont jamais entamé de relations professionnelles. Et pourtant, la maison Lalique fabriquait à l’époque des bouchons de radiateur en cristal pour de nombreuses marques automobiles. Parmi elles, on peut citer Delage ou Delahaye. Mais pas Bugatti. 

Et voilà que le nouveau propriétaire de la maison Lalique, Silvio Denz, entame des démarches pour réaliser le fameux éléphant de Rembrandt en cristal. La société Bugatti SAS doit évidemment donner son accord. L’accord est donné et l’éléphant en cristal se décline donc en quatre couleurs : transparent, noir, ambre et bleu. Lalique obtient également l’autorisation de la famille Bugatti de reproduire en cristal la jument en bronze de Rembrandt. Il faut noter que celle-ci n’existe qu’en cinq exemplaires.

Les frères Munsch, des anciens de l’usine de Molsheim

1929 Bugatti Type 44 Break de Chasse 8 cylindres 3 litres arbre à cames en tête 3 soupapes par cylindre

1929 Type 44 Break de Chasse 8 cylindres 3 litres arbre à cames en tête 3 soupapes par cylindre.

La suite de notre voyage dans le monde Bugatti, nous porte à la rencontre de deux anciens ouvriers de l’ex-usine Bugatti, devenue Hispano-Messier, puis Safran. Il faut noter que les frères Munsch – Arsène et Jean-Louis – sont membres fondateurs d’EBA Enthousiastes Bugatti Alsace. Arsène Munsch tient à nous préciser que seul le nom Bugatti est propriété du groupe Volkswagen. L’usine appartient à Safran. Arsène Munsch débute en 1959 un apprentissage d’ajusteur. Après son CAP en 1962, il entre chez Automobiles Bugatti comme ajusteur aux côtés des anciens qui eux ont côtoyé Ettore Bugatti. Mais ça, c’est une autre histoire que vous pourrez suivre dans un autre épisode.

Vintage Car Magazine vous donne son avis

1926 Bugatti Type 35B Compétition moteur 8 cylindres 23-litres arbre à cames en tête et 3 soupapes par cylindre

1926 Type 35B Compétition moteur 8 cylindres 2.3-litres arbre à cames en tête et 3 soupapes par cylindre.

Ces quelques heures passées dans l’univers de la marque Bugatti n’étaient pas qu’un rêve. Les yeux grand ouverts vous voyez vraiment, autour de vous, les plus belles voitures produites par la marque. Mais il faudrait beaucoup plus de temps pour arriver à connaître toute l’histoire de cette famille extraordinaire. Il faudrait remonter à Giovanni Luigi, né en 1856, lui-même sculpteur et architecte. Puis suivre le fil de ses descendants. Tous également pourvus de talents artistiques. Cette hérédité explique sans doute le succès des Bugatti réalisées par Ettore et Jean. Leur nom de famille est devenu une marque et cette marque nous fait encore rêver. Ils ont su insuffler d’eux-mêmes dans ces automobiles. Ils leur ont donné une âme. Qu’en est-il de cette nouvelle génération de véhicules que ni Ettore, ni Jean ne connaîtront ?

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